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AMIANTE : EXTRAIT DE L'ARTICLE MIDI LIBRE DE BAGNOLS DU 05 JUILLET 2017

Amiante à Owens Corning en Gard rhodanien : "Il est mort de son travail"

Récit il y a 6 jours 1 CONSTANCE COLLE

Elsa De Iudicibus veille sur les oliviers que son mari Luigi adorait.



IKAËL ANISSET

Son mari, salarié d'Owens Corning de 1989 à 2003, est mort l'an dernier d'une maladie liée à l'exposition à l'amiante. Pour lui et ses collègues, Elsa De Iudicibus mène un combat pour faire reconnaître la faute de l'employeur.

Luigi De Iudicibus est mort le 13 mai 2016, à 13 h 13, à Genève, dans la chambre d'hôtel où il attendait sa femme, en réunion de travail. “Mon mari a eu la pathologie la plus grave dans sa forme la plus sévère d'une maladie causée par l'amiante : le mésothéliome épithélioïde malin primitif.”

Luigi De Iudicibus est entré à Owens Corning Fiberglass, usine basée à l'Ardoise, en 1989 et y a travaillé jusqu'en 2003, date à laquelle il a déclenché une arythmie cardiaque. En longue maladie, il est licencié en 2007 “car il ne pouvait pas être reclassé. Il est parti à la retraite (...). Il avait tout fait pour entrer à Ownes Corning. Il s'y plaisait et était bien payé”. Une fois par poste, il devait relever la vitesse de freinage et d'accélération des bobineuses, des machines amiantées. “On pense que c'est à cette époque qu'il a été exposé. Il n'était pas protégé. Il portait un T-shirt, un bleu de travail, des lunettes, mais pas de masque.”

Le Fiva

Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est un établissement public national qui indemnise les victimes de l’amiante, créé en 2002 par Martine Aubry. La Sécurité sociale a enquêté de son vivant sur la maladie de Luigi De Iudicibus, reconnue maladie professionnelle. "Le Fiva va poursuivre l’usine pour faute inexcusable de l’employeur", explique Elsa De Iudicibus.Une procédure qui devrait prendre au minimum deux ans. Son mari avait été indemnisé de son vivant. Pour les besoins du dossier, "il faut trouver des retraités survivants, des contemporains de Luigi, pour qu’ils témoignent".

"Mourir de son travail, c'est la chose la plus con du monde”

Aujourd'hui, Elsa De Iudicibus n'accepte pas cette implacable fatalité : “Mourir de son travail, c'est la chose la plus con du monde.” Et compte se battre pour les autres. “C'est le combat du reste de ma vie. Mon mari, c'est fini, mais il faut protéger les autres collègues, améliorer le dépistage, prendre en compte le préjudice d'anxiété... Les mecs tombent comme des mouches. Je cherche une explication.” En Suisse, rappelle-t-elle, l'amiante a été interdit en 1987, en France dix ans plus tard. “Si la France avait bougé dans les temps..."

Elle se rappelle chacune de ses journées passées à ses côtés. Deux années où elle a vu Luigi décliner, chacun des rendez-vous dans les hôpitaux, leurs lenteurs et leurs ratés. Les doutes, les interrogations, et la longue attente avant de connaître le diagnostic. Elsa se doutait de la gravité de la maladie dès la première alerte, en novembre 2014. Elle travaille dans un groupe pharmaceutique spécialisé en oncologie, et s'était tout de suite documentée. “Je savais que ça pouvait être très grave.”

Macabre comptabilité

Le professeur Pujol, éminent cancérologue montpelliérain, décide d'opérer Luigi De Iudicibus. Le mésothéliome est alors détecté. “Je sais alors qu'il va mourir. Et on ne sait toujours pas que c'est à cause de l'amiante.” C'est le professeur qui pose la question : “Avez-vous travaillé avec de l'amiante ?” “Non, dans la fibre de verre.” Deuxième opération, première chimiothérapie. “Il nous ouvre les yeux : “Mais pour le verre, il faut des fours en amiante”.” Ce jour-là, le couple comprend.

“Déjà, l'annonce d'un cancer n'est pas une bonne nouvelle, mais qu'il soit causé par le travail, cela change beaucoup la donne.” Alors que Luigi demande combien de temps il lui reste à vivre, “il était très anxieux”, Elsa s'effondre. “J'ai compris que j'allais être veuve.” Son projet dès lors : sauver son mari. Plus tard, elle contacte André Berthalon, salarié et représentant syndical de l'entreprise. “Là, on se rend compte que Luigi n'est pas le seul et qu'André tient une macabre comptabilité.”

Elle mene un combat

Les soins durent, “avec la chimio la plus dure qui soit”. Un 15 août, alors que Luigi mange du pain, il perd, d'un coup, toutes ses dents. “C'est quoi là le programme ? Comment lui redonner de la dignité ?”, se demande celle qui déploie toute son énergie pour celui avec qui elle partage sa vie depuis vingt ans. En septembre 2015, le professeur Pujol lui annonce : “Madame, vous avez trois mois, vivez.” En décembre, Luigi est très affaibli mais donne le change. “Il voulait que ça aille.” Mais il doit reprendre une chimiothérapie. Jusqu'à l'arrêter. “Là tout change. Les médecines sont impuissantes.” Février, mars, avril, “il est très fatigué, mais on vit, on voit plein d'amis. On parle d'après...".

Aujourd'hui, si son cœur est brisé, Elsa De Iudicibus est debout pour mener un combat. “Pour la mémoire de mon mari, il me l'a demandé. Je veux que la faute de l'employeur soit reconnue. On sait bien que les grands groupes calculent les risques.” Vendredi 13 mai 2016, quand Elsa quitte la chambre d'hôtel, elle ne sait pas si elle reverra son mari. Luigi De Iudicibus détestait les vendredis 13. “J'attends encore les condoléances de l'usine”, dit-elle amèrement.

Dès le début du XXe siècle

La dangerosité de l’amiante a été identifiée dès le début du XXe siècle.Les mesures de protection et de prévention sont intervenues bien plus tard. En France, l’amiante a été reconnu comme source de maladie professionnelle (abestose) en 1945. Son usage a été réglementé dès 1977 après que toutes les formes d’amiante ont été classées cancérogènes.

L’interdiction de son usage a été adoptée en 1997 en France. Les pathologies liées à l’amiante peuvent survenir jusqu’à quarante ans après l’exposition, des maladies qui représentent aujourd’hui la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail (hors accidents du travail).

# Source?: Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

 





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